Un Mercredi 24 mai 2023, le stade Roland-Garros vit au rythme des qualifs. Dans les tribunes, il y a foule. Dans les allées, les ramasseurs de balles, les RG Ballos, tentent de se frayer un chemin, pour rallier leur vaste fief situé sous le court n°9. Véritable fourmilière, à l’ambiance façon colonie de vacances, c’est là que nous retrouvons deux d’entre eux. Assise sur sa chaise en fils de résine, Bernadette Djamoni, 11 ans et demi, regarde, d’un air détaché, le match de Lucas Pouille face au Taïwanais Tseng Chun-hsin. Rejoint quelques minutes plus tard par son frère Fladimi Ndoy, 16 ans, revenant tout juste d’une rotation. La sœur et le frère sont originaires du Cameroun. “Pour en arriver là, nous avons dû passer une sélection au Cameroun. Nous étions 40 enfants, nous dit sérieusement Fladimi. Ma sœur est n°1 cadette et moi n°1 juniors au niveau national.
C’est formidable d’être là. De voir les joueurs, l’intensité qu’ils mettent dans les échanges, voir ça en live, c’est si différent.” Joueurs au club France de Yaoundé, le frangin et la frangine font ainsi partie des 280 ramasseurs de balles à officier durant le tournoi. Un contingent qui s’est ouvert depuis quelques années aux étrangers. C’est dans ce contexte que l’arbitre international Éric Tanga à solliciter la Fédération Française de tennis, afin que deux de ses jeunes prennent part au sacre du printemps.
Issus d’une famille nombreuse et modeste, Bernadette et Fladimi, impressionnés à leur arrivée à Paris par le changement climatique et par la taille des immeubles parisiens, sont des enfants de la balle: “Nous avons découvert le tennis à travers notre père qui est coach, explique Bernadette. Lorsque nous étions petits, il nous amenait souvent au club, on regardé comment il jouait avec les membres, et on a pris goût, comme cela.” Biberonnés au tennis dès l’âge de cinq ans, le tennis est aujourd’hui pour eux un moyen de s’en sortir. Sans misérabilisme, mais avec dignité, les deux gamins de Yaoundé sentent “le sentiment de responsabilité” qu’ils nourrissent envers les huit heures d’entraînement hebdomadaires en plus de leurs études. Sans oublier le dévouement de leur père, qui à la débrouille, parvient à subvenir à leur besoin. Leur rêve, est de devenir joueurs professionnels, afin d’élever toute la famille à un autre rang social. Avant de s’envoler pour Paris, Bernadette Djamoni et Fladimi, ont eu la belle expérience de rencontrer au Cameroun un certain Yannick Noah. “Il nous a dit de nous amuser, de profiter, de bien se concentrer de se faire des amis” dixit Bernadette de sa placide voix. Mais à court terme, les deux ramasseurs de balles aimeraient bien officier lors de ma finale du simple Messieurs. Pour y parvenir, il faudra se classer parmi les meilleurs ramasseurs du tournoi. « La compétition, nous sommes habitués à cela », nous rétorque Fladimi. Les fameux RG Ballos sont notés quotidiennement par des superviseurs où l’agilité, le bon respect des règles ou encore l’anticipation est pris en compte. “Les jeunes apprennent ici de nombreuses valeurs comme l’exigence, l’entraide, l’autonomie, nous précise l’un des superviseurs officiant aux bords des courts. C’est fréquent que des parents nous envoient des messages à la fin du tournoi pour nous dire qu’ils trouvaient leur enfant changé.” Changés, Bernadette et Fladimi le sont déjà.
Une expérience qui viendra sans nul doute nourrir leur ambition commune, celle d’emprunter l’ascenseur social proposé par le tennis et de se retrouver, peut-être, d’ici quelques années, à nouveau sur les terrains de Roland-Garros, mais cette fois, raquette en main pour devenir qui sait les futurs Yannick NOAH.